mercredi 11 janvier 2012

Rayas 2002 : Le Pirate du Grenache.

Diantre qu’elle est magnifique cette couleur ! Serait-il donc possible que pareille robe puisse être l’apanage d’un Grenache ? Rien qu’en voyant ce brillant élixir s’épanouir dans mon Graal translucide, il m’est impossible d’imaginer qu’il soit un des géants rhodaniens. Et pourtant, c’est bien lui : Rayas, ce corsaire indomptable qui transforme la terre nue en une Mer Rouge écarlate, ce bougre devenu borgne après avoir bu l’élixir du savoir, ce Flibustier des Sept Mers qui réveille des hordes entières de mercenaires enfouis sous les sables brûlants des plages méditerranéennes. Diable qu’il est élégant !!! Ce pirate au cœur pur, ce commandeur du Châteauneuf, ce chasseur invétéré qui pourfend les essences les plus douces quatre coins du globe. Qu’il a fière allure lorsqu’il chevauche avec panache cette licorne, figure de proue de son vaisseau insaisissable. Qu’il est envoûtant lorsqu’il libère toutes ces fragrances de roses emprisonnées  dans les fûts minéralisés de la cale de son bateau. Même le marin le plus aguerri ne peut y résister, car la magie qui opère au plus profond des entrailles de son navire est l’œuvre d’un des plus grands sorciers des océans. Connaissant les moindres recoins de la mer des Indes, il se joue de la rose des quatre vents en nous faisant voyager à travers le temps depuis ce siècle où Turner trouva le chemin de la grâce, au milieu des ouragans de couleurs. Illuminant les nuits des naufragés, il envoûte puis enchante les esprits égarées éprouvant le besoin viscéral de retrouver le cap de la pureté. Son trésor enfouit au plus profond d’une crique tenue secrète sous les sables ancestraux, recèle une fortune inestimable héritée de ses ancêtres, prophètes du Grenache, qui naviguèrent jadis, par delà les tempêtes à la recherche de la lumière du phare monolithe, suspendu au sommet de la Cité des Papes.

samedi 26 novembre 2011

Le Pigeonnier 2000 : L'Oiseau légendaire de Fosse-Sèche

De la faille géologique habitée par l’âme des moines cisterciens qui célébrèrent jadis, la chair et le vin aux quatre coins de la France des chrétiens, surgit chaque année un oiseau fabuleux diffusant son aura magique à travers toute la Loire. Ce guerrier volatile, dont chacun des battements d’ailes est une onde de choc à laquelle nul mortel ne peut échapper est bien plus qu’une légende. Ne prenant son envol qu'après avoir humer ces divines fragrances de silex et violette, il diffuse la lumière de sa robe en écartant tous les troubles qu’auraient pu lui causer les outrages du temps. Flamboyant, il sait préserver comme restaurer les équilibres au sein du règne animal, dont il est le souverain absolu. Généreux, il dessine des courbes précises dans le ciel qui ne sont pas sans rappeler celles évoquées dans les plus brillants chef-d’œuvres picturaux du Maître au chapeau. Qualifié de surréaliste par certain, car atypique, il n’a pas d’égal dans la Loire. Oiseau de feu incarnant la justice, maître chanteur aux parfaites vocalises, il semble voué à l’éternité, tant son chant incandescent peut résonner jusqu’à l’infini, dès l’instant où le dégustateur averti le libère de sa prison de liège. Précis dans ses trajectoires, il réveille la pureté de la sève tutélaire enfouit sous les silex et les oxydes de fer. Puis tournoyant au-dessus de ses illustres cabernets, il ne se lasse pas d’exhaler ces effluves de myrtilles ensorcelantes seules à même d’inspirer la douce harmonie de la flûte enchantée. S’élevant dans les airs, puis plongeant dans les bois, il s’extasie en rasant une rivière aspirée par la classe du saumurois. Enfin, éclaboussant de toute part la faune et la flore endormies, il regagne son nid après avoir fait retentir son chant merveilleux, auguste résonance de son inexorable renaissance.

Chambertin 2004 : L'Empereur Eternel du Domaine Trapet.

Il est le légendaire, l’élégant souverain chevaleresque et magnanime. Quel que soit le millésime, le fer de son épée retentit tel l’éclat du rubis brillant sur le calcaire. Célébré par les grands hommes, qu’ils soient empereurs ou romanciers, ce Duc de Bourgogne semble voué à l’immortalité. Il dompte le pinot comme personne, lui confère un caractère souverain et structuré autour de notes épicées de tabac, et balaie de tout son souffle, les éternels vallons. Il est Zeus, seigneur de l’Olympe dictant sa loi à travers toute l’Europe. Tel le Général célébré par David, il réveille des légions entières d’infanteries, ensevelies sous le reptile qui serpente de Dijon jusqu’à Beaune. Sa mémoire est inaltérable, fidèle en amitié, il n’oublie pas ses anciens partenaires rencontrés au sein de la garde des mousquetaires. En humant le parfum des roses Burgondes dès l’aube avant chaque campagne, il trouve la quiétude. Et le soir venu, il préfère errer dans les bois à la recherche de ces fruits rouges dont il raffole. C’est ainsi qu’il préserve ses racines datant du jurassique, que rien, pas même l’odeur putréfiée des cadavres éparpillés sur les champs de bataille ne peut altérer.

samedi 19 novembre 2011

Divine Faustine : La pureté d’une nymphe, gardienne de l’héritage corse.

Au-delà des effluves minérales qui émanent de la vallée du Taravo, je perçois le chant cristallin d’une jeune nymphe s’élever dans la montagne. Sauvage et insaisissable, sa silhouette respire l’air suave et iodé des embruns méditerranéens inondant les plages corse à la nuit tombée. Façonné par un alchimiste de talent, son parfum enivrant m’évoque la noblesse végétale des souveraines du septentrion rhodanien. S’aventurant en dehors de ces sentiers battus où des savants au caractère bodybuildé pactisent avec Satan, elle sauvegarde son âme malgré les attaques sournoises que lui assène le Horla. Clamant haut et fort son identité et son indépendance, elle repousse ses assaillants, de mauvais esprits assoiffés de chair et de sang. Refusant de se laisser envahir par leurs légions ténébreuses, elle les combat alors avec courage pour garder intact son précieux héritage. Fière et gracieuse, elle fait honneur à ses illustres ancêtres en ignorant la violence et la rage de ces combats qui tourmentèrent autrefois ces villes noires nichées dans les collines. Belle et Insouciante, elle dévale dès l’aube, les coteaux verdoyants tout en effleurant de ses mains la peau des raisins, alors que son diadème incrusté d’un rubis éclatant ne cesse de diffuser la pureté étincelante de son teint, à travers toute la vallée. Surprenant l’œil curieux d’un poète bienveillant au détour d’une parcelle, elle révèle finalement ces vers autrefois proférés dans un dialecte interdit, qui réveillèrent le subtil Sciacarello, seul à même de dompter le fougueux et volubile Nielluccio, au milieu des arènes granitiques.

Clos des Corvées 1999 : Le Sang du Dragon.

Animal mythique, créature fantastique au caractère insondable, le Clos des Corvées est de cette espèce qu’il faut chasser sans relâche pour avoir un jour, la chance de percer tous les mystères dissimulés sous son immense carcasse rouge écarlate. Crachant son venin sur le saint de Cappadoce, il fût autrefois la terreur des Libyens. Cette chimère célébrée jusqu’en Wallonie se révéla toutefois sous une nouvelle Nuit, lorsque le cavalier chevauchant la monture blanche immaculée se présenta devant lui en faisant vœu de chasteté. Révélant d’abord la boîte de pandore cachée sous son flanc, il capitula ensuite en laissant s’échapper le précieux savoir-faire des francs, dérobé aux druides Éduens. C’est ainsi que le chevalier chrétien savoura le sang du dragon dans le Graal Dioclétien, seul contenant habilité à révéler toutes les facettes de ce délicieux nectar, qui inspira autrefois les vers les plus délicats des poètes d’Odin. Le vin agissant comme un opium en son sein, il sentit alors l’âme du géant dionysien, puiser à la source l’hydromel des nains. Voyageant dans un univers poétique où les pétales de roses et les fraises des bois se déversent sur des vallons aux contours féminins, le champion de tous les Saints se laissa finalement envahir par le sang de Kvasir, qui révèle les plus savoureux vers de Baudelaire, et déshabille ces délicieuses mégères des bordels balzaciens, où Brillat-Savarin ne cesse de philosopher sur le vin, en compagnie de l’ivrogne de Dumas ivre de son chambertin.

Léoville-Barton : Le charme et l’élégance du hussard de Saint Julien.

Noble et fier comme le hussard chevauchant son destrier sur les graves. Libre comme la Marianne de Delacroix franchissant les barricades, Léoville-Barton demeure le sage de la trinité Saint Julien. Ne cédant jamais à l’appel de la mode, il a toujours su préserver le charme et l’élégance de la bourgeoisie anglo-saxonne. Tel le général Armand D’Hubert suivit comme son ombre par l’arrogant bretteur Gabriel Féraud, il revient après chaque campagne, réveiller le feu millésimé en sa demeure fertile. Comme l’aristocrate britannique, il reste digne et flegmatique, malgré la colère qui s’anime au plus profond de lui. S’interdisant même à maudire son ennemi qui pactisa pourtant avec la sorcière slave sur les étendues désolées de Russie ; il n’en oublie point son devoir de marie, et s’évertue à restituer dans ses élevages, tout le génie et l’élégance de l’essence bordelaise. Élevé et éduqué dans des salons de bois où domine le cuir et les couleurs patinées, il scrute les natures mortes du maître Chardin, qui aurait sans doute apprécié son caractère très fin, capable de transcender les plus savoureux gibiers. Puisant son inspiration dans ces sculptures d’argiles rappelant les marbres du Bernin, il sait retranscrire dans ses vins, la quiétude qui l’anime lorsqu’il se sait loin de ce furieux assassin. L’heure du thé approche, le froid l’envahit, se tenant debout dans sa cuisine, il voit passer une ombre dans les ruines. A travers les arbres dénudés, le regard obscurcit par le brouillard soyeux suintant sur ses terres, il sent l’épilogue de son duel éreintant approcher. Empoignant son sabre avec célérité, il n’hésite pas à se précipiter au-dehors pour affronter l’ombre tournoyante du hussard hanté par la mort. Traversant alors des tertres et des massifs boisés, il fait face à l'ennemi, l’humilie puis le libère en lavant tout discrédit. Regardant la Dame de Gironde du haut de son village, l'âme sereine, il contemple ses augustes cépages, tout en gardant en mémoire ces pesants souvenirs, qui le hantèrent jusqu’aux confins de son vénérable terroir. Une fois la fêlure et les brûlures du passées consumées dans les fûts, il n’en oubliera pas pour autant ces ténèbres qui le poussèrent pendant tant d’années, à tirer toute la quintessence de cette fraîcheur au combien précieuse, provenant de ces généreux merlots et de ces vieux cabernets.

Chapelle-Chambertin 1972 : Bacchus et la jeune fille en fleur.

Au pied du coteau, une jeune femme sublime au raffinement indéniable porte une corbeille de fruits tel un objet précieux. Discrète et joyeuse, elle nous entraîne dans une chapelle, dont la splendeur des vitraux et la charpente en bois sont mises en valeur par la pureté d’une lumière traversant de toute part, cette construction dédiée à la gloire du seigneur. Signe d’un temps révolu, elle rappelle l’âge d’or de ces ordres religieux, qui régnaient autrefois sans partage sur les terroirs viticoles de France et Navarre. Au cœur du calcaire, là où se déversent la lumière et les précieux messages, cette Duchesse des Flandres dépose sur l’hôtel une offrande. Incarnation de la grâce et de la pureté des Nuits, elle sait créer l’illusion, car elle est en fait aussi mûre que le fruit du pinot. Une seule chose la trahit, son regard profond et vitreux, témoignage d’une longue et pieuse expérience forgée sous les cieux. Son âge, on ne le connaît point, car sa malice et son espièglerie dignes d’un de ces chérubins italiens seraient plutôt l’apanage d’une jeune fille en fleur. Rassurée par la chaleur qui émane de cette chape spirituelle, elle se délecte en regardant une immense fresque baroque, peinte à la hâte par le mal-aimé Michel-Ange. Là haut, où les anges demeurent, le Bacchus d’Anna trône au milieu d’un sous-bois luxuriant, tout en regardant avec joie, des élixirs de roses et de fraises se déverser dans une authentique rivière elfique. Enivrer par le désir d’inviter cette belle muse à séjourner en son pays, il lui propose alors avec candeur, de le rejoindre en prenant son envol, dans l’espoir que cette beauté à la fraîcheur éternelle daigne partager avec lui, ses divines barriques.